« Il ne faut pas généraliser » est une formule fréquemment employée, qui invite à la prudence et au discernement : ne confondons pas tout, ne tirons pas de conclusion globale à partir de quelques situations particulières.
En cartographie, et plus largement pour toute représentation visuelle, généraliser est utile, voire indispensable. Éric l’explique de manière magistrale dans son dernier article Un fond de carte France par commune optimisé pour le web et l’analyse statistique. Mon associé dans notre nouvelle aventure icem7 déploie ses talents de pédagogue pour décrire les contraintes techniques de la généralisation, à partir de sa longue expérience de statisticien-cartographe.
Généraliser, c’est aussi ce que cherche à faire la statistique, en visant à dégager des caractéristiques d’ensemble, à partir de données recueillies sur une population. Pour éviter l’écueil de la généralisation abusive, la statistique requiert de s’appuyer sur de grands nombres d’observations.
Mais là n’est pas le sujet. Pour vous reposer et vous distraire un peu, après cette plongée dans les subtilités du code officiel géographique, de la qualité topologique d’un fond de carte ou du bon positionnement d’un centroïde, je vous invite à aborder le sujet sous un angle plus visuel.
« La carte n’est pas le territoire. » [1]
Le cartographe, comme tout utilisateur de cartes, le sait bien : une carte est toujours une représentation simplifiée de la réalité du terrain. Elle s’appuie toujours sur des choix et suppose une simplification plus ou moins grande, selon l’objectif visé. Les livres ou les cours de sémiologie cartographie le rappellent : une carte peut mentir.
Pour observer combien une carte correspond à un objectif de son auteur et à un besoin de son lecteur, rien ne vaut une plongée dans les innombrables couches du Géoportail. Prenons un même lieu, par exemple le site emblématique de la baie du Mont-St-Michel, en Normandie [2]. Parmi toutes les représentations disponibles, retenons-en par exemple trois.
Voici un lien pour visualiser directement sur le Géoportail ces trois représentations de la baie du Mont-St-Michel. Bien d’autres sont accessibles, toutes aussi instructives. Je vous recommande notamment celles qui permettent de voyager dans le temps, en affichant d’autres couches : des cartes ou vues aériennes des années 50, d’anciennes cartes d’état major et même la carte de Cassini.
Ces images sont vues du dessus, selon une vision cartographique. La même comparaison peut être faite sous un autre angle, avec trois autres images : une photographie, un dessin illustratif et un dessin schématisé. Tout l’art de la simplification réside dans le choix des éléments clés à conserver, pour produire un résultat homogène. L’intention esthétique est plus marquée dans cette vue, même si elle n’était pas totalement absente de la vue cartographique.
Mon choix de ces trois images, effectué dans des banques d’images libres de droit [4], est évidemment arbitraire, simplement guidé par mes préférences esthétiques du moment. J’aurais pu par exemple opter pour une image encore plus simplifiée, une simple silhouette ou une ligne de contour. Il est toujours amusant de constater combien nos yeux sont capables de reconnaître une image déjà vue. Mon cerveau est capable d’identifier sans hésitation le Mont-Saint-Michel, alors même que je n’y ai jamais mis les pieds : un vrai champion de la généralisation !
[1] Ce célèbre aphorisme
dépasse le domaine de la cartographie. Il fait par exemple partie des concepts de base en PNL : chaque individu dispose de sa propre représentation du monde, des difficultés de communication naissent donc inévitablement des différences entre les représentations de chacun.
[2] Nous ne reviendrons pas sur l’immémoriale autant qu’irréconciliable querelle « Le mont Saint-Michel est-il breton ou normand ? », nous nous en tiendrons à ce qu’indique le Code Officiel Géographique, qui rattache cette commune au département de la Manche, qui est lui, indiscutablement normand.